introduction

La longue marche d’ICCARRE : ou comment rompre la routine médicale ?

 

ICCARRE (Intermittents, en Cycles Courts, les Anti Rétroviraux Restent Efficaces) est un défi lancé par le Dr Jacques Leibowitch : il est possible de réduire considérablement la prise de médicaments par les patients séropositifs. Ceux-ci vivent actuellement sous un régime de surmédication.Voici en quelques étapes l’histoire de l’innovation ICCARRE.

1 – 1996 – 2000
La trithérapie à l’épreuve

L’apparition des trithérapies permet une amélioration spectaculaire dans le traitement du sida : les malades se rétablissent, les séropositifs peuvent espérer vivre aussi longtemps que tout le monde.

Cependant, ce progrès est obtenu avec l’obligation de prendre à vie des traitements lourds, contraignants, aux effets secondaires parfois difficiles à supporter.

Rapidement les patients sont tentés d’alléger leur observance, et certains débutent des phases d’intermittence de leurs traitements sans en alerter leurs médecins.

2 – 2000 – 2008
Les hypothèses de Jacques Leibowitch : l’intermittence contrôlée des traitements est possible parce que le virus le veut bien

Jacques Leibowitch s’inspire d’une expérience américaine d’allègement des traitements pour concevoir son étude exploratoire ICCARRE. Son raisonnement s’appuie sur trois points essentiels et distincts :

- Le traitement d’attaque : il vise à affaiblir la charge virale jusqu’à la rendre « indétectable ». Pour ce faire, et pendant au moins six mois consécutifs, le patient nouvellement diagnostiqué séropositif est soumis à un traitement d’attaque suffisamment puissant pour casser la force du virus et le réduire à sa plus simple expression. Le virus cesse alors de se multiplier et son rebond nécessite au moins sept jours pour réapparaître.

- La phase d’entretien : dans un second temps, et à condition que la charge virale soit restée indétectable au moins six mois, il est possible de réduire le traitement et de s’installer dans une phase d’entretien. Maintenir à vie le traitement de choc initial n’est désormais plus un dogme ni une nécessité.

- Les prescripteurs ne doivent pas se tromper de méthode : il faut conserver une multi-thérapie efficace, et ordonner rationnellement la réduction des prises. Le Docteur Leibowitch propose de diminuer progressivement le nombre de jours de traitement : 4 jours par semaine, puis deux ou même un jour par semaine dans certain cas. Cet allègement doit impérativement être accompagné d’un contrôle médical rigoureux.

En 2002, Jacques Leibowitch entreprend un premier essai exploratoire : 48 patients, volontaires et informés, vont progressivement diminuer leurs prises de médicaments. Les premiers résultats sont publiés dans la revue Faseb en 2010. Au fil des ans, le protocole est étendu à 96 patients.

3 – 2009 - 2014
La difficulté à convaincre l’ANRS de soutenir la démarche ICCARRE

Dès 2009, Jacques Leibowitch tente d’intéresser les décideurs de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites (ANRS) pour que soit mis en place un essai clinique de plus grande ampleur. Dans un premier temps l’agence de recherche se désintéresse des perspectives d’ICCARRE : elle est mobilisée sur d’autres essais considérés comme plus prioritaires (notamment sur la prophylaxie pré-exposition (PrEP) à la demande et les monothérapies).

Appuyé par une association de soutien, « Les amis d’ICCARRE », le Dr Leibowitch entame alors une campagne de popularisation de ses travaux et de ses idées. Il préconise le lancement d’un essai d’ampleur avec l’objectif d’obtenir une recommandation temporaire d’utilisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), puis, une évolution des recommandations officielles de prescription. 

Les avantages de l’allègement sont immédiats : meilleure observance et confort accru pour les patients, effets indésirables sur le long terme limités et économies conséquentes pour l’assurance maladie.

En 2014, l’ANRS finit par lancer l’essai 4D qui s’inspire du protocole ICCARRE. 

4 – 2016 – 2017
L’essai QUATUOR consacre enfin ICCARRE

Les excellents résultats de l’essai 4D (présentés à la conférence de Durban en juin 2016) incitent l’ANRS à étendre l’étude : un deuxième essai baptisé QUATUOR est programmé pour 2017-2018. Il concerne 640 volontaires sous trithérapie effective stable depuis un an, recrutés dans 65 hospitaliers de France et des Caraïbes. Par ailleurs, et contrairement au premier essai, QUATUOR comporte un bras « contrôle » de patients à 7j/7 de traitement pour comparaison.